"Adieu : servons tous trois d'exemple à l'univers..."
Bérénice de Jean Racine, mise en scène par Lambert Wilson
Je croyais assister à une mise en scène peopleisante, et j'ai vu la plus belle pièce de théâtre qu'il m'ait été donnée de voir.
Je ne sais pas si cela vient de l'histoire, des acteurs... Je crois que c'est un peu tout cela...
Bérénice aime Titus, empereur romain. Titus aime Bérénice. Nous sommes loin de la tragédie à laquelle on s'attend, si ce n'est cet Antiochus qui se lamente, en taisant, depuis cinq années, son amour pour sa reine.
Mais voilà, à Rome, il est une loi inviolable : un empereur ne peut placer sur le trône une reine étrangère, et Titus DOIT se plier à cet règle!
Bérénice se voit donc rejetée, et s'abandonne au désespoir. Etre rejeté par celui qu'on aime, voilà une bien grande douleur pour toutes celles qui l'ont jamais ressentie! Bérénice va vouloir mourir...
Mais Bérénice, contre toute attente, se résout au plus grand sacrifice... celui de vivre! et devient un exemple pour toutes les abandonnées.
Titus quant à lui, n'est pas à jeter dans l'opprobre, il agit par grandeur morale, car comment être un bon empereur si on dénie soi-même les lois?
Et Antiochus qui pourrait se réjouir ne ressent qu'un chagrin plus grand.
Oui, c'est finalement une tragédie que nous avons là, une tragédie sans mort, mais une tragédie plus tragique que bien d'autres à mes yeux.
Et une telle histoire ne pouvait trouver décor plus adéquat que Le théâtre des Bouffes du nord, théâtre sans scène, les acteurs sont là, à deux doigts de nous (surtout quand on se retrouve au troisième rang car on est en retard. Derniers arrivés, premiers servis...) qui ressemble à un colisée antique avec son sol en pierre, ses murs nus et effrités.
Et puis les acteurs, Lambert Wilson (Titus) m'avait déjà acquise à sa cause, mais même Carole Bouquet (Bérénice) que je n'aimais pas particulièrement et Fabrice Michel (Antiochus), surtout lui d'ailleurs "Hélas!" un mot et tout est dit... m'ont émue jusqu'aux larmes! Je n'entendais même pas les vers (ce qui me dérange habituellement) tant les phrases coulaient d'elles-mêmes.
J'ai vécu un grand moment de théâtre, le plus grand, oserai-je dire, de ma vie!